Section 15.2 Petit Nombre et le jeu des ancêtres
Écrit par : Veselin Jungic
Illustrateur : Listiarini Listiarini
Traduction française : Julie Plante, Montréal, QC
Petit Nombre est un jeune garçon qui fait beaucoup de sottises. Aujourd'hui, il rend visite à sa tante.
Tatie (affectueusement) : “Tu as tellement grandi depuis que je t'ai vu la dernière fois, Petit Nombre. Dis-moi tout, comment vas-tu ? Comment ça va à l'école ?”
Petit Nombre ( avec enthousiasme ) : “Je vais très bien ! Il y a un nouveau jeu avec lequel j'aime vraiment jouer sur mon téléphone. Je suis bien meilleur que n'importe lequel de mes amis. L'école se passe bien, sauf les mathématiques. Je sais que toi et ma mère aimez les mathématiques, mais pour moi, les mathématiques sont tellement ennuyeuses.”
Tatie ( compréhensive ) : “Je suis désolée d'entendre cela, Petit Nombre. Et tu as raison, tout le monde dans notre famille est bon en mathématiques. Mais çà suffit à ce sujet!”
Tatie ( après une courte pause ) :“C'est bien que tu aimes jouer à des jeux. Cela te fait réfléchir plus vite. Veux-tu que je te montre un jeu auquel les ancêtres de nos cousins Haïdas jouaient il y a longtemps ?”
Petit Nombre ( surpris ) : “Quoi? Nos ancêtres jouaient à des jeux? Mais ils n'avaient même pas d'ordinateur ou de cellulaire!”
Tatie ( en riant ) : “Tu es comique, Petit Nombre ! Nos ancêtres aimaient s'amuser de la même manière que tu aimes t'amuser avec tes amis.”
Tatie ( pensive, prenant sa tablette ) : “Le jeu que je voudrais te montrer s'appelait le jeu du lancer. Il utilisait un dé fabriqué à partir d'un morceau de bois, d'os ou d'ivoire, quelque chose comme ceci :”
Le dé avait une hauteur d'environ huit centimètres, avec une base mesurant, environ quatre centimètres sur deux centimètres et demi, et la majeure partie de la moitié supérieure a été coupée, laissant une fine lamelle, s'étendant vers le haut d'un côté. Un joueur tenait le dé par la lamelle mince, avec la partie la plus épaisse vers le haut, et le jetait dans les airs de sorte qu'il tourne encore et encore avant de tomber au sol. Le jeu est joué par deux joueurs ou plus, chacun pour eux-mêmes ou par équipes.
Petit Nombre ( curieux ) : “Alors, quel était le but du jeu?”
Tatie ( approuvant ) : “Bonne question, Petit Nombre! Si le dé tombait sur une des surfaces qui sont de chaque côté de la lamelle, ça devenait alors le tour de l'adversaire; si le dé tombait sur la longue face arrière ou sur la face supérieure concave, on comptait un point pour le joueur qui l'a lancé ; si le dé tombait sur la surface du fond, on comptait deux points; ou si le dé tombait sur la face avant, on comptait quatre points.”
Petit Nombre ( toujours curieux ) : “Sais-tu ce que le gagnant recevait?”
Tatie ( rigolant ) : “Le gagnant avait le privilège de salir le visage du perdant avec de la suie.”
Petit Nombre ( riant ) : “J'aimerais bien salir le visage de mes amis avec de la suie si je gagnais! Ça serait très drôle!”
Tatie ( sérieuse ) : “Je suis curieuse de savoir si tu fais des liens entre ce jeu à quelque chose que tu as appris dans tes classes de mathématiques?”
Petit Nombre ( se grattant la tête ) : “Eh bien, tu as mentionné les chiffres un, deux et quatre. Il y a différentes formes de dessins sur les facettes du dé ; le fond ressemble à un rectangle ; le devant ressemble à un carré pour moi ; et le côté ressemble à… Je ne me souviens pas comment il s'appelle, mais il ne ressemble pas à un rectangle parce que les côtés parallèles semblent être de longueurs différentes. Et tu as utilisé un mot que je ne comprends pas, mais qui ressemblait à quelque chose que mon professeur de mathématiques dirait. Tu n'as pas mentionné le nombre zéro. Ce petit cercle sur le dessin est-il la lettre ‘o’ ou le nombre zéro ? Avons-nous le droit de mélanger des lettres et des chiffres lorsque nous faisons des mathématiques ?”
Tatie ( hochant de la tête ) : “Très bien Petit Nombre, je suis fière de toi. Et tu as raison, le livre dans lequel j'ai trouvé ce dessin, dit que ce symbole est la lettre ‘o’. Mais il y a plus que ce que j'appellerais les mathématiques dans ce jeu. Tout d'abord, tout comme lorsque tu joues à ton jeu avec tes amis, dans ce jeu, il y a un ensemble de règles que chaque joueur doit suivre. Par exemple, si le dé atterrit sur un des côtés qui sont de chaque côté de la lamelle, l'autre joueur prend alors son tour. C'est quelque chose que nous faisons tout le temps en mathématiques. Peux-tu penser à une règle mathématique que tu dois suivre lorsque tu calcules quelque chose ?”
Petit Nombre ( hésitant ) : “Je ne sais pas… Attends… Je sais! Je dois faire les multiplications avant de faire les additions.”
Tatie ( souriante ) : “Je dirais cela différemment, mais c'est bel et bien la règle ! Mais il y a plus de mathématiques auxquelles nous pouvons penser lorsque nous parlons du jeu du lancer. Par exemple, tu vois qu'après avoir lancé le dé, il peut atterrir sur l'une de ses six faces. Il y a donc six résultats possibles différents. On peut se demander quelle est la chance que, sans tricher, le dé atterrit sur la face avant ? Ou n'importe quel autre côté ? Pouvons-nous, d'une façon ou d'une autre, trouver un chiffre qui nous indiquerait la probabilité qu'un résultat particulier se produise ? Comment appellerais-tu et établirais-tu un tel nombre ? Je pense que vous apprendrez en 11ième ou 12ième année que la branche des mathématiques qui étudie ce genre de questions s'appelle la probabilité.”
Petit Nombre ( confus ) : “Tatie, Je n'ai aucune idée de ce dont tu parles. Mais je pense qu'il n'y a que quatre résultats dans ton dessin : o, 1, 2 et 4.”
Tatie ( affectueusement ) : “Bonne réflexion, Petit Nombre. Oui, les créateurs de ce jeu ont décidé d'associer le même symbole à des résultats différents dans deux cas. Tu apprendras à l'école secondaire que c'est une chose importante en mathématiques : que chaque côté se voit attribuer un seul symbole, mais que plus d'un côté peut se voir attribuer le même symbole. Mais il y a quelque chose qui m'intrigue vraiment ici. Je ne suis pas surprise que les côtés du dé se voient attribuer le même symbole ‘o’, car ce sont les seules faces symétriques du dé. Sinon, le dé semble être asymétrique. Alors, pourquoi attribue-t-on la même valeur à l'arrière du dé et au sommet en forme de L du dé ? Les ancêtres Haïdas, après avoir lancé le dé à de nombreuses reprises, ont-ils conclu que la probabilité que le dé atterrisse de l'un ou l'autre de ces côtés est la même ? Ou ont-ils fait cela pour taquiner les joueurs ? Ou pour une autre raison ? Nous ne le saurons jamais…”
Tatie ( pensive ) : “On pourrait se demander quelle est la probabilité que le résultat soit 1 ? Ou la probabilité que l'autre joueur prenne le dé ? En fait, je me demande si les Haïdas de l'époque utilisaient des chiffres ? J'ai utilisé la description du jeu qui a été écrite par un jeune anthropologue qui a passé un an à vivre avec le peuple Haïda il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup, d'années. Peut-être a-t-il décidé d'utiliser des nombres pour étiqueter les résultats parce que c'est une autre utilisation de symboles que nous appelons des chiffres ? Peut-être que les ancêtres ont utilisé autre chose ?”
Petit Nombre ( se levant ) : “Je ne sais rien à propos des chiffres. Un chiffre est-il quelque chose de différent d'un nombre ? Je t'aime chère tante et tout cela est très intéressant, mais je dois courir à la maison pour faire mes devoirs de mathématiques, sinon ma mère ne me laissera pas jouer à mon jeu.”
Petit Nombre ( sur le pas de la porte, se retournant vers Tatie ) : “Est-ce que tu sais comment les joueurs gardaient le pointage de ce jeu?”