Après l’achèvement de la construction de la voie ferrée du Canadien Pacifique en 1886, les immigrants chinois ont commencé à migrer de la Colombie-Britannique vers l’est du Canada. Certains d’entre eux se sont établis dans la province de Québec, où quelques Chinois étaient déjà arrivés par train en provenance des États-Unis ou par bateau après avoir traversé l’océan Atlantique. Presque tous se sont fixés à Montréal; seuls quelques-uns ont élu domicile dans la ville de Québec.
Durant les décennies 1890 et 1900, près d’un millier de blanchisseries chinoises ont été ouvertes dans plusieurs quartiers ouvriers de Montréal, comme Sainte-Marie et Saint-Louis. Au début des années 1890, plusieurs boutiques chinoises, comme Jung Fook et Wong Wing, ont élu domicile dans la rue de Lagauchetière Ouest, entre les rue St-Urbain et St-Charles-Borromée (plus tard dénommée rue Elgin et aujourd’hui appelée rue Clark) dans le quartier Dufferin; un quartier chinois naissant commençait à émerger. (Carte 1) À ce moment-là, le quartier Dufferin, à la limite nord du quartier des affaires de Montréal, était une zone résidentielle en déclin avec des entrepôts, des ateliers d’usinage et quelques industries légères. Plusieurs propriétaires d’immeubles dans le quartier divisaient leurs propriétés en chambres et acceptaient des locataires. Le grand nombre de résidents masculins qui travaillaient dans les manufactures du quartier avaient besoin de blanchisseries, de cafés, de restaurants et d’autres services, qui leur étaient fournis par les immigrants chinois. Selon le recensement de 1901, la population chinoise au Canada était de 17 312 âmes, dont 14 885 vivant en Colombie-Britannique, 1037 au Québec, 732 en Ontario, 235 en Alberta, 206 au Manitoba et 207 dans les autres provinces et territoires. Par conséquent, c’est la province de Québec qui comptait le deuxième plus important contingent d’immigrants chinois et la plupart d’entre eux vivaient à Montréal.
Au cours des années 1900, environ 90 pour cent des Chinois à Montréal se nommaient Tam (Hom), Wong et Lee. (Fig. 1) Ils avaient créé leurs associations de famille et les conflits interfamiliaux étaient fréquents. Par exemple, quand un blanchisseur dénommé Wong estimait qu’il était floué par un autre blanchisseur appelé Lee, le Wong se plaignait à l’Association des familles Wong tandis que l’Association des Lee défendait son membre Lee. Par conséquent, il arrivait souvent que le conflit entre deux personnes dégénère en un conflit entre deux associations.
Tôt après que la République de Chine a été constituée en 1912, le Consul chinois à Ottawa a visité le Quartier chinois de Montréal et aidé les Chinois à mettre sur pied une Association chinoise bénévole (ACB). Six administrateurs, deux de chaque famille (Wong, Lee et Tam) dirigeaient l’association. Quand un conflit entre deux familles éclatait, celui-ci était soumis à l’ACB, où les deux administrateurs de la troisième famille trouvaient une solution au conflit. De nombreux Chinois de Montréal portant d’autres noms de famille n’étaient pas heureux que les administrateurs de l’ACB soient élus par seulement les trois plus grandes familles. En outre, le gouvernement provincial a adopté en février 1912 une loi en vertu de laquelle les blanchisseurs chinois de Montréal devaient payer une taxe de 50 $ en plus des frais de permis de 50 $. Les blanchisseries exploitées par des Blancs n’avaient pas à payer la taxe de 50 $. L’administrateur de l’ACB a immédiatement fait appel au consul général Yang Shuwen pour obtenir de l’aide. Conséquemment, en février 1915, le Consul général Yang a suggéré au bureau de direction de l’ACB d’intégrer les Chinois portant d’autres noms et d’entreprendre la tâche de combattre les frais de permis des blanchisseries et autres mesures discriminatoires contre les Chinois de Montréal. Par la suite, sur les conseils du consul chinois, le bureau de direction de l’ACB a intégré un membre de chacun des six familles (Tam, Wong, Lee, Chan, Woo et Ng), un membre d’une association comme la Société Chee Kung Tong et le Parti constitutionnel ainsi que de nombreux Chinois qui faisaient un don annuel de 2 $ à l’association.
Durant les années 1910, le Quartier chinois de Montréal, constitué d’une vingtaine d’entreprises chinoises, s’est étendu de l’intersection des rues de La Gauchetière Ouest et St-Urbain aux autres rues avoisinantes. En octobre 1918, une épidémie de grippe espagnole a éclaté parmi les Chinois. Comme il n’y avait pas d’hôpital dans le Quartier chinois, quelques religieuses catholiques ont mis sur pied un hôpital de dix lits près du Quartier chinois à l’intention des patients chinois. Une fois l’épidémie résorbée, quelques dirigeants de la communauté chinoise mirent en commun leurs ressources afin d’acheter un immeuble au 112, rue de La Gauchetière Ouest en 1920 pour l’Hôpital chinois de Montréal. Celui-ci était administré par les Soeurs de l’Immaculée-Conception et les malades étaient soignés par des médecins francophones à temps partiel.
Le Quartier chinois de Montréal a prospéré jusqu’à la fin des années 1910. En 1921, Montréal comptait une population chinoise de 1734 âmes et le Quartier chinois était le quatrième plus important quartier chinois au Canada après ceux de Vancouver, Victoria et Toronto. Il était bordé par les rues Dorchester, Elain, de Lagauchetière et Chenneville. Un grand nombre d’entreprises et d’institutions chinoises telles que la Chee Kung Tong, l’Hôpital chinois et l’église Méthodiste chinoise étaient concentrées sur la rue de Lagauchetière Ouest, soit l’artère commerciale du Quartier chinois de Montréal.
Tout comme c’était le cas dans d’autres quartiers chinois, un conflit existait entre la Chee Kung Tong et le Kuomintang. Des rixes entre les membres des deux associations éclataient souvent dans le Quartier chinois. Il y avait également une compétition entre les catholiques et les protestants dans le Quartier chinois. L’Église catholique était plus puissante et jouait un rôle important dans l’Hôpital chinois de Montréal. L’Église organisait également des classes d’anglais et de français pour les Chinois. La Commission scolaire catholique aidait une communauté de religieuses à faire fonctionner une école primaire pour les enfants chinois. Tout comme les catholiques, les protestants organisaient également des classes de langue et des services de traduction pour les Chinois. Par exemple, autant l’église Congrégationaliste Emmanuel que la mission Presbytérienne chinoise offraient l’école du dimanche pour les Chinois.
Après l’adoption par le gouvernement canadien de la Loi de l’immigration chinoise en 1923 et l’exclusion de l’entrée des Chinois au Canada, la faible et lente croissance de la population chinoise n’était attribuable qu’aux naissances naturelles. Dans le recensement de 1941, par exemple, la population chinoise au Canada s’élevait à seulement 34 627 personnes, dont 18 619 résidant en Colombie-Britannique, 6 143 en Ontario, 3 122 en Alberta, 2 545 en Saskatchewan, 2 378 au Québec, 1 248 au Manitoba, 372 en Nouvelle-Écosse et 200 dans les autres provinces et territoires. Le Quartier chinois de Montréal comptait une population chinoise de 1 703 âmes et le second Quartier chinois se situait dans la ville de Québec avec seulement 130 résidents chinois.
Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs vieux quartiers chinois ont connu une période de déclin et ont finalement disparu. Le Quartier chinois de Montréal était en déclin en raison de sa dépopulation, de la spéculation foncière et de la désunion qui existait au sein de la communauté chinoise. Durant la fin des années 1950 et le début des années 1960, les propriétés autour du Quartier chinois de Montréal augmentaient en valeur alors que celui-ci était pris en serre entre le Vieux-Montréal et le Quartier des affaires du centre-ville. Les spéculateurs achetaient de vieux immeubles dans le Quartier chinois, les démolissaient, utilisaient les lots vacants comme terrains de stationnement et ensuite les revendaient quand des prix attrayants leur étaient offerts. En 1962, par exemple, l’Hôpital chinois a été condamné par le service d’incendie et a fermé ses portes. Un nouvel hôpital chinois a été construit à l’extérieur du Quartier chinois parce qu’il n’y avait aucun terrain convenable disponible dans le Quartier chinois. L’église unie chinoise a été démolie pour fournir le site des nouveaux bureaux d’Hydro-Québec. Le projet du Complexe Desjardins a été développé dans la partie nord-ouest du Quartier chinois. (Carte 2) De nombreuses maisons ont été démolies à la faveur de l’élargissement de la rue Dorchester (maintenant connue comme le boulevard René-Lévesque). En conséquence, un grand nombre de vieux immeubles ont été démolis sans être remplacés; les logements bon marché sont devenus difficiles à trouver dans le Quartier chinois. Durant les années 1960, Montréal comptait 8 000 résidents chinois, dont seulement 8 pour cent vivaient encore dans le Quartier chinois. Un plan pour le redéveloppement du Quartier chinois a été proposé, mais il a rapidement été mis de côté, non en raison d’un manque d’argent ou de soutien officiel, mais parce que l’Association chinoise bénévole « ne pouvait susciter l’intérêt nécessaire à l’intérieur du Quartier chinois et n’arrivait pas à unifier les différentes factions ». Comme pour d’autres communautés chinoises, la communauté chinoise de Montréal était si divisée sur les plans politique et religieux qu’il était difficile de mettre en œuvre tout projet communautaire. Le seul projet communautaire significatif a été l’aménagement du parc de la Pagode sur la rue St-Urbain afin de célébrer le centième anniversaire du Canada en 1967. La pagode chinoise est devenue un point d’intérêt important dans le Quartier chinois et a été « dédiée à la cause de la paix et de l’harmonie entre tous les Canadiens ».
Pendant les années 1970 et le début des années 1980, le Quartier chinois de Montréal a été réduit par suite d’expropriations et du redéveloppement. En 1975, le gouvernement fédéral a annoncé la construction de la Place Guy-Favreau, un énorme complexe comprenant des tours à bureaux et des immeubles à logements. L’expropriation a entraîné la démolition de l’église presbytérienne chinoise, de l’église pentecôtiste chinoise, de la manufacture de produits alimentaires Wong Wing, de quelques boutiques d’alimentation chinoise et d’autres structures non chinoises du quadrilatère. L’église catholique chinoise a été la seule structure à échapper à la démolition parce qu’elle a été désignée monument historique en 1977. Les autorités municipales ont considéré les grands projets du Complexe Desjardins, du Complexe Guy-Favreau et de la Place du Quartier comme l’élément catalyseur et déclencheur à la revitalisation du Quartier chinois, bien qu’ils n’aient été que marginalement reliés à la société chinoise dans le quartier.
Alors que ces projets envahissants menaçaient la survie du Quartier chinois, la communauté chinoise de Montréal était encore déchirée entre les factions pro-Chine et pro-Taïwan et ne parvenait pas à former un front commun pour résister à ces projets. En outre, après la victoire du Parti Québécois en novembre 1976, le gouvernement du Québec a adopté la Loi 101 le 26 août 1977, qui restreignait la fréquentation des écoles de langue anglaise et bannissait l’utilisation de toute autre langue que le français dans l’affichage commercial. Les enfants des immigrants anglophones et allophones étaient forcés de fréquenter les écoles françaises. (Les allophones sont les gens dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français.) Le conflit linguistique anglais-français aliénait encore davantage la communauté chinoise divisée. De nombreux Chinois ne se préoccupaient pas de la survie du Quartier chinois et ont déménagé à l’extérieur du Québec. Entre 1975 et 1977, par exemple, environ un millier de familles chinoises ont quitté Montréal. Le Quartier chinois a continué de décroître en taille alors que la ville ne cessait d’élaborer des projets autour du Quartier chinois.
En dépit de l’apathie générale à l’égard de l’avenir du Quartier chinois, plusieurs leaders préoccupés de la communauté chinoise ont créé le Centre Uni de la Communauté Chinoise de Montréal (CUCCM) en septembre 1980. Celui-ci réunissait les représentants d’environ quarante-huit regroupements de Chinois et tentait d’unifier la communauté en vue de sauver le Quartier chinois. En mai 1981, par exemple, la ville planifiait exproprier et démolir l’immeuble de l’Association des familles Lee en vue d’élargir la rue St-Urbain. Le CUCCM a alors réussi à mobiliser plus de 2 000 personnes pour signer une pétition en vue de préserver l’immeuble et de sauvegarder le Quartier chinois. Finalement, l’immeuble a été sauvé, mais le parc de la Pagode a été enlevé en raison de l’élargissement de la rue St-Urbain.
Grâce au soutien enthousiaste du maire Jean Drapeau et de son conseil municipal, la revitalisation du Quartier chinois de Montréal a débuté en 1982 avec l’installation de plaques de rue dans tout le Quartier chinois, la construction du Centre communautaire catholique et de la résidence pour personnes âgées Bi Ai Lou. L’Association pour le Développement du Quartier Chinois de Montréal (ADQCM) a travaillé étroitement avec la Ville sur le plan de rénovations de 3,5 millions de dollars, qui prévoyait la transformation de la rue de Lagauchetière entre les rues St-Laurent et Jeanne-Mance en une rue piétonne bordée d’arbres, pavée de briques et la construction de deux arches chinoises enjambant la rue. Plusieurs vieux immeubles de pierre calcaire avec des toits en mansarde à pente raide ont été nettoyés et repeints.
En 1983, le Palais des Congrès de Montréal a été construit dans la partie sud du Quartier chinois et a ainsi bloqué son expansion vers le sud. La même année, trois autres projets importants étaient en voie de réalisation, dont la construction de l’immeuble des Chinois unis (Wah Yen Tai Lau) par le CUCCM. Il s’agissait d’un complexe de neuf étages d’habitation à loyer modique comptant 82 unités pour les citoyens âgés et les familles à faible revenu. Le Complexe Guy-Favreau et la Place du Quartier ont aussi été complétés et ont amené les familles de nombreux professionnels et gens d’affaires de la classe moyenne à vivre près du Quartier chinois. En 1984, la ville a permis que le côté ouest de la rue St-Laurent puisse servir à des fins commerciales et a zoné la plus grande partie de la rue de Lagauchetière à l’est de la rue St-Laurent en tant que secteur résidentiel. Ce zonage allait empêcher le Quartier chinois de s’étendre vers l’est. À la suite de protestations de la communauté chinoise, la ville a modifié le règlement et réservé à des fins commerciales les immeubles situés entre les rues St-Laurent et St-Dominique.
En 1986, la Ville de Montréal a aménagé le parc Dr-Sun-Yat-Sen dans le Quartier chinois. En 1988, le Centre communautaire catholique chinois a bâti la résidence Ren Ai Lou, un foyer de 22 unités pour personnes âgées, au coin des rues de Lagauchetière et Ste-Élisabeth. L’hôtel Holiday Inn, avec sa toiture de style chinois, a été complété en 1991 et est devenu un nouveau point d’intérêt caractéristique du Quartier chinois. Les deux arches chinoises qui enjambent la rue St-Laurent constituent un autre élément d’attraction. Elles ont été construites avec l’aide des autorités municipales de la ville de Shanghai, dont le jumelage avec la ville de Montréal en 1985 en faisait une ville-sœur. L’Hôpital chinois est déménagé de la rue St-Denis et a été reconstruit dans le Quartier chinois en 2001 par la Fondation de l’Hôpital chinois de Montréal.
En 1986, le gouvernement canadien a ajouté une nouvelle catégorie d’immigrants, soit les immigrants «investisseurs », en vertu de laquelle un investisseur et les membres de sa famille pouvaient être admis comme immigrants si ceux-ci investissaient 250 000 $ au Canada. Par conséquent, de nombreux entrepreneurs et investisseurs fortunés de Hong Kong sont venus au Canada, étant donné qu’ils n’avaient plus confiance en l’avenir de Hong Kong. Au cours des dix années suivantes, ce sont environ 15 000 gens d’affaires immigrants de Hong Kong, Taïwan et de la Chine qui ont investi environ 870 millions de dollars et créé 9 000 emplois au Québec. Nombre de ces immigrants chinois sont venus à Montréal et se sont établis à Brossard sur la rive sud du St-Laurent. Au cours des années 1990, des investisseurs de Hong Kong ont créé trois centres commerciaux d’inspiration asiatique sur le boulevard Taschereau à Brossard.
De nombreuses entreprises chinoises se sont installées dans le secteur situé à l’ouest de l’Université Concordia et du Collège LaSalle, particulièrement le long de la rue Sainte-Catherine, entre la rue Guy et l’avenue Atwater. La plupart des résidents du secteur étaient des immigrants et des étudiants venus de Chine et d’Asie du Sud-Est. Le consulat général de la République populaire de Chine est situé au 2100, rue Sainte-Catherine Ouest. Un autre groupe d’entreprises chinoises se développe à l’intersection des rues St-Denis et Jean-Talon. Un immeuble de la rue St-Denis abrite un temple chinois et l’Association chinoise des aînés.
Le recensement de 2011 a révélé que la population canadienne d’origine chinoise comptait 1million 487 580 âmes. Presque 84% ou 1 million 248 685 personnes vivaient dans les huit villes principales : Toronto (531,635), Vancouver (411,470), Montréal (91,785), Calgary (75,470), Edmonton (60,715), Ottawa (42,740), Winnipeg (20,410) et Victoria.
La ville de Montréal a été promue en 1832.
Le conseil municipal de Montreal 1887-1889
Le conseil municipal de Montréal 2013