FREN 270: Introduction à la linguistique: la phonologie

PHONOLOGIE :
LE SYSTÈME PHONIQUE D’UNE LANGUE

 

Plan des notions présentées en phonologie :

Cliquez ici pour voir la démarche générale, de façon schématisée, dans la résolution d'un problème.


4.0 Introduction

Afin de présenter la phonologie, plaçons-nous dans les souliers d’un locuteur du Russe par exemple (ou d’un locuteur d’une langue autre que le français) qui viendrait apprendre le français sans avoir aucune notion de cette langue. La seule chose qu’il entendra sera une suite de sons continue sans aucun sens. Comme il possède déjà une langue maternelle (le russe par exemple), il percevrait toutes les variations que nous faisons selon sa langue première. Cependant, il ne saurait lesquelles de ces variations sont pertinentes. Par exemple, notre locuteur du russe ne pourrait déterminer si les variantes affriquées des consonnes dentales du français canadien sont des sons qui créent des variations de sens. Une étude purement physique de ces sons (phonétique), toute intéressante qu’elle soit, doit être jumelée avec une analyse qui tient compte des variations significatives et qui créent des oppositions sémantiques.

L’analyse que vous devrez faire pour y arriver est une analyse phonologique. Ce type d‘analyse vous permet d’identifier les phonèmes (voir la définition plus bas) de cette langue, ou si vous préférez les sons qui créent des distinctions de sens dans une langue en particulier. Il est important ici de réaliser que les langues ont des systèmes de sons qui peuvent varier considérablement.

Rappelons-nous que la phonétique (étude des sons utilisés dans les langues naturelles) ne nous permettait que de comprendre les mécanismes de production de sons, sans faire à aucun moment de relation avec la sémantique. Nous ne savions donc pas si les sons en question étaient tous générateurs de sens dans la langue étudiée. En phonologie, c’est exactement le but poursuivi.

Dans la présente page web, il sera présenté une méthode permettant d’analyser les langues et de définir les systèmes de sons à partir desquels elles forment des mots et, par le fait même, transmettent du sens. Plusieurs exemples d’analyse phonologique seront présentés à partir de corpus de français et d’autres langues.

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4.1 Définition de la phonologie
En tout premier lieu, la phonologie est définie comme la science qui étudie les sons du langage du point de vue de leur fonction dans le système de communication linguistique. (Dictionnaire de linguistique Larousse)

Selon cette définition, la phonologie s’intéresse :
a) au classement des sons d’une langue en catégories, et
b) à la description du comportement des sons (combinaisons possibles, impossibles, etc.)

En simplifiant, on peut dire que la phonologie s’intéresse au fonctionnement du système des sons d’une langue d’un point de vue théorique. Par comparaison, la phonétique a pour but de fournir une description la plus détaillée possible de la production, transmission ou perception des sons des langues naturelles.

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4.2 Notion de phonème

Le but premier dans une analyse phonologique est d’identifier les sons qui créent des distinctions de sens. Pour ce faire, il faut mettre en relation la forme et le signifié des formes. En d’autres mots, nous cherchons à déterminer si les différences sémantiques sont causées par des différences phonétiques.

Par exemple, en français, nous pouvons mettre en opposition les formes « pont » et « bon ». Nous savons que les deux mots ont une définition différente et que leur transcription phonétique diffère par un seul son (un [p] et un [b] respectivement) :

En conséquence, nous pouvons affirmer que ces deux sons, [p] et un [b], sont des PHONÈMES DISTINCTS.
Nous appelons une paire minimale, une paire de mots dont :
a) le signifiant ne diffère que par un phonème, et
b) le signifié est différent,

Dès que nous trouvons une paire minimale, il nous est possible d’affirmer que nous avons des phonèmes, et non seulement des sons dans une langue particulière. Une démarche similaire pour toutes les voyelles du français nous permet d’identifier les 16 phonèmes du français standard. Le procédé par lequel nous pouvons trouver des paires minimales implique une substitution de sons ([p] et [b] par exemple suivi de "-ont") dans un même environnement. Ce procédé s'appelle la commutation.

Le phonème sera donc défini comme étant une UNITÉ MINIMALE DISTINCTIVE. Il représente l’unité d’analyse en phonologie. Il s’agit en fait d’un son qui a une réalité psychologique, qui est reconnu comme appartenant à une catégorie renfermant toute une série de sons prononcés avec de petites variations acoustiques qui sont considérées comme négligeables. Par exemple, nous pouvons imaginer de prononcer le mot « phonologie » 50 fois. Durant toutes ces répétitions, les « p » que nous produirons en début de mot ne seront jamais complètement identiques acoustiquement. Ils diffèreront en terme de durée et d’intensité par exemple (et en termes d’autres indices acoustiques aussi). Néanmoins, toutes ces variations sont minimes et tous les locuteurs du français reconnaîtront un « p » tel que nous les produisons en français. En d’autres mots, nous entendrons le phonème /p/ malgré les différences acoustiques.

Les oppositions par paires minimales permettent d’affirmer qu’une paire de sons est significative, ou qu’elle crée des différences de sens. En conséquence, elle doit faire partie du système des sons de cette langue.

Par exemple, nous avons identifié, pour le français canadien, tel que présenté dans les cours précédents, les voyelles et les consonnes suivantes :

Parmi tous ces sons que nous avons utilisés dans la description du français, il est légitime de se demander lesquels font partie du système phonologique du français canadien.

L’inventaire des sons d’une langue, que l’on appelle phonèmes, se fait à l’aide de paires minimales. Une paire minimale fait un lien entre les oppositions de sons et les oppositions de sens.

(cliquez sur les liens ci-dessous pour faire les exercices et voir les réponses)

Exercice #1 : trouver les paires minimales
Réponses de l’exercice #1

Exercice #2 : oppositions en paires minimales
(venir me voir pour la correction de vos paires minimales)

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4.3 Phonèmes ou variantes contextuelles?

Il y a une méthode relativement simple qui nous permet de déterminer si deux sons constituent des phonèmes distincts ou des variantes de prononciation. Le problème simple suivant nous permet d'illustrer cette méthode.

Problème 1:

Question: Les occlusives bilabiales orales du français sont-elles des phonèmes distincts? Répondez en utilisant le corpus suivant :


Méthodologie suggérée :

1. faire la transcription phonétique des mots du corpus si ce n’est déjà fait; faire la liste des sons à l’étude
2. rechercher, dans le corpus, les paires minimales
3. si nous sommes en présence de paires minimales, nous concluons que les deux phonèmes sont différents. S’il n’y a aucune paire minimale, il nous faut faire la liste des environnements des sons à l’étude, ou la distribution.
4. Faire la distribution.
5. Si nous pouvons généraliser la présence de l’une des variantes dans un contexte phonétiquement similaire, nous avons des variantes contextuelles qui sont en distribution complémentaire.
6. Conclure en donnant la liste des variantes et les environnements dans lesquels nous les retrouvons.

Solution :
1. transcription phonétique du corpus :

Liste des sons à l’étude :
[b] : consonne occlusive, bilabiale, orale, sonore
[p] : consonne occlusive, bilabiale, orale, sourde

2. Y a-t-il au moins une paire minimale pertinente?

Oui : les mots « près » et « braies ».

3. Concluons : Les sons [p] et [b] sont, en français, des phonèmes distincts.


Maintenant, que faire si nous ne trouvons pas de paire minimale? Illustrons l’une des options à l’aide du problème suivant :

Problème 2:
Question: Est-ce que les variantes affriquées sont des phonèmes distincts des consonnes occlusives dentales en français québécois? Utilisez le corpus ci-dessous.

 

Dans certains cas, il nous est impossible de déterminer si les sons à l'étude sont significatifs dans la langue en question. Alors, il nous faut faire la liste de la distribution (liste des sons en question et de leur environnement) pour déterminer si le contexte provoque ces légères modifications de prononciation.

1. phonèmes à l'étude: [t, ts, d, dz]
2. analyse:
• aucune paire minimale

Voici la distribution:


[ts] dans les mots suivants: petit, tirroir, tiens, tuer
[t] dans les mots suivants: terre, tâche, tout, planteur, torche

[dz] dans les mots suivants: dur, diable
[d] dans les mots suivants: tous les autres

3. conclusion:
Puisque la distribution des consonnes occlusives et de leurs affriquées est différente et qu'elle est complémentaire, nous pouvons affirmer que nous avons un seul phonème et de deux variantes contextuelles en distribution complémentaire. Les variantes affriquées des occlusives sourdes apparaissent devant les voyelles fermées antérieures non-arrondies et arrondies et devant les semi-voyelles correspondantes.

Ou, sous forme de règle:

Cliquez ici pour voir la démarche générale, de façon schématisée, dans la résolution d'un problème.

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4.4 Le cas des voyelles moyennes de français méridional

Déterminez à l’aide du corpus ci-dessous si les deux voyelles antérieures non arrondies d'aperture moyenne (mi-ouverte et mi-fermée) sont deux phonèmes distincts ou deux variantes contextuelles en français méridional:

Comme nous ne pouvons trouver de paire minimale, il nous faut faire la distribution. Regardons la distribution des sons:

 

Il ne nous est pas possible de trouver un comportement régulier en faisant appel seulement à l’environnement des sons.Par contre, si nous faisons appel à la structure de la syllabe, que voyons-nous?

Nous observons que la variante mi-fermée apparaît toujours en fin de syllabe, et que la variante mi-ouverte apparaît toujours suivie d'une consonne.

Notons que les syllabes qui sont terminées par une consonne prononcée sont appelées des syllabes fermées, alors que les syllabes qui sont terminées par une voyelle prononcée sont appelées syllabes ouvertes. Cliquez ici pour une série de règles de syllabation en français.

Nous devons donc conclure qu’il n’y a qu’un seul phonème avec deux variantes contextuelles :

Règle (en mots): Nous n'avons qu'un seul phonème en français, avec deux variantes contextuelles en distribution complémentaire: nous retrouvons: la variante (mi-)ouverte en syllabe fermée, et la variante (mi-)fermée en syllabe ouverte.

Refaisons la même analyse avec les voyelles postérieures d’aperture moyenne :

Dites quelle est la distribution des voyelles postérieures arrondies à partir du corpus ci-dessous:

Avons-nous des paires minimales pertinentes? Non.

Il nous faut donc faire la distribution des sons à l'étude.

Dans cette distribution, nous remarquons que, comme pour les voyelles antérieures non arrondies, que nous retrouvons une seule des deux variantes en syllabe fermée et une seule en syllabe ouverte. En conséquence, notre conclusion sera à l'image de la précédente (un seul phonème et deux variantes contextuelles en distribution complémentaire):

Une analyse similaire sur les voyelles antérieures arrondies nous mènerait à une conclusion similaire (ce qui illustre le fait que les sons appartenant à une même catégorie de sons--ici les voyelles d'aperture moyenne en français--tendent à se comporter de façon similaire):

Nous pouvons donc généraliser en disant que toutes les voyelles d'aperture moyenne en français méridional ne sont qu'au nombre de trois phonèemes et que chaque phonème a deux variantes contextuelles en distribution complémentaire. Nous appelons ce phénomène la Loi de position.

En français "standardisé", nous observons aussi ce phénomène mais avec plusieurs exceptions cependant. En conséquence, nous considérerons que nous avons affaire, en français standardisé, à une tendance et non à une règle catégorique (sans exceptions) comme en français méridional.

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4.5 Les voyelles d'aperture moyenne du français dit "standardisé"

Le français standard montre une tendance semblable à celle retrouvée en français méridional, avec un certain nombre d'exceptions cependant. La situation est résumée dans le tableau ci-dessous:

Notons, pour chaque archiphonème, les observations suivantes:

Cas sans exceptions : cellules 2, 3, 5.

Cas avec exceptions (« * ») : cellules 1, 4, 6.

a) Cas 1 : /E/ :

b) Cas 4 : /EU/ :


c) Cas 6 : /O/ :

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Exercices 3: questions 1-3

Réponses de l'exercice 3: questions 1-3

4.6 Perte d’une opposition en français standard : les conditions internes au système phonologique

Le français standard est en train de perdre une opposition, celle de la distinction des deux voyelles antérieures nasales (comme dans "brin" et "brun"). Il semble que la voyelle nasale antérieure arrondie ("brun") est en train de disparaître au profit de la nasale non arrondie ("brin").

Cette opposition peut s’expliquer par des conditions internes au système phonologique même du français. Les raisons sont d’ordre phonétique et phonologique (tirées de Léon, Bhatt et Baligand 1993 :46) :

Raisons d’ordre phonétique :

Raisons d'ordre phonologique :

Les raisons internes menant à la modification d'un système phonologique réfèrent à la cohérence théorique d'un système, aux conditions d'existence des phonèmes en tant qu'unités distinctives dans une langue en particulier.

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4.7 Structure syllabique

Nous avons déjà vu que la structure de la syllabe peut nous permettre d’expliquer certains phénomènes phonologiques, comme les variantes contextuelles des voyelles d’aperture moyenne. La structure syllabique est en réalité une unité d'organisation importante dans les langues naturelles. Cette structure nous permettra d'expliquer certains faits intéressants et importants, comme la différence entre les voyelles et les consonnes, tout comme l'existence de sons appelés "semi-consonnes".

La syllabe est constituée de trois éléments distincts :

A. Le seul élément essentiel de la syllabe: le noyau (une voyelle)

Ex. : « Jean a une pomme. » / « Paul y va. »

Ce noyau peut être précédé d’une consonne (C) qui forme l’attaque (« A » dans les figures ci-dessous) :

Ex. : Je veux la paix !

 

Ces structures deviennent à leur tour des syllabes.Les attaques peuvent même se complexifier pour contenir deux éléments ou plus :

Ex. : « Brutus prend la brosse. »

Ou : « Pierre fuit. »

Il est intéressant de remarquer que certaines combinaisons de consonnes seulement sont permises en attaque de syllabe. Par exemple, dans le tableau suivant, les combinaisons de la colonne de gauche sont impossibles (indiquées par l’astérisque « * ») alors que celles de la colonne de droite sont permises :

Finalement, nous pouvons avoir une coda qui se trouve à la droite du noyau de la syllabe, comme dans le mot « Brutus » et « brosse » de l’exemple précédent :

Ex. : « Brutus prend la brosse. »


Dans les visualisations précédentes, il y a deux mots qui ont une coda, symbolisée dans les structures par un C dans la figure suivante:

Tout comme pour les attaques, il est possible d'avoir une combinaison de deux consonnes en position coda. Encore une fois, ce n’est pas toutes les combinaisons de consonnes qui peuvent prendre la place de la coda.

 

De cette construction théorique de la syllabe, nous pouvons tirer quelques règles :
• Le noyau ne peut être qu’une voyelle
• L’attaque et la coda ne peuvent être que des consonnes (ou des semi-consonnes)
• Seulement certaines combinaisons de consonnes sont permises en position d’attaque ou de coda
• Ces règles peuvent être différentes d’une langue à l’autre (par exemple la suite /ps/ est permise en début de mot en français mais non en anglais.

Structure de la syllabe en français et en anglais :

Types syllabiques les plus fréquents (Léon 1992:96)

• le type le plus fréquent de syllabe semble être le type CV
• le français a une tendance marquée pour les syllabes de type CV
• l’anglais a une préférence pour les syllabes de type CVC

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4.8 Un troisième type de variante phonétique : les variantes libres

Certains cas de variation phonologique ne peuvent être expliqués par l'environnement d'un son (variantes contextuelles). Ces cas sont souvent expliqués par des facteurs qui se rapportent à des facteurs sociolinguistiques au sens large (situation de communication, origine des locuteurs, âge des locuteurs, variantes de prestige, classe socio-économique, etc.). Prenons par exemple un exemple déjà discuté dans le chapitre de la phonétique, le cas des variantes de "r" en français canadien.

Souvenons-nous en premier lieu qu'il y a au moins 5 variantes de /r/ retrouvées de façon régulière en français canadien. La situation relativement complexe de la répartition du /r/ en français québécois, très bien présentée dans la section PHONO du site web du CIRAL de l'université Laval, exigeait que nous fassions appel aux facteurs suivants:

De façon générale, tout ce qui NE peut PAS s’expliquer par le contexte devient une « variante libre ». Ces variantes libres peuvent être de plusieurs types:

Nous avons donc ici un troisième type de variation qui nous permet d'expliquer le fonctionnement d'un système phonologique d'une langue.

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4.9 Notion de système phonologique

Les traits distinctifs sont utilisés pour opposer soit une suite de sons à une autre, soit un son à un autre. Ils sont basés sur les traits articulatoires. Prenons par exemple le système des consonnes occlusives du français:

Tableau des occlusives du français (Léon 1992 :68)

À l'aide de ce tableau, nous observons que la série (suite de sons horizontale, même mode d’articulation) des occlusives sourdes /p t k/ s’oppose à celle des occlusives sonores /b d g/ par le trait de sonorité. De même la série des consonnes nasales s’oppose aux autres occlusives voisées par le trait de nasalité. Elles s’opposent aux consonnes occlusives non voisées par deux traits distinctifs, soit sonorité et nasalité.

Tableau des fricatives du français (Léon 1992 :68)

Les phonèmes de la série des fricatives sourdes s’opposent aux fricatives sonores par le trait de sonorité (seule corrélation).

Le phonème /R/ est en hors corrélation, ne s'opposant à aucun autre phonème non voisé.

 

De ces comparaisons des diverses séries et ordres dans le système consonantique français, retenons que:

Plus un système est stable et, par le fait même, il a moins de chances de perdre des oppositions.


À noter:

Distinctions des ordres et séries pour les systèmes vocaliques et consonantiques :

VOYELLES
Ordre : groupement de phonèmes selon leur degré d’aperture
Série : groupement de phonèmes selon leur point d’articulation

CONSONNES
Ordre : groupement de phonèmes selon leur point d’articulation
Série : groupement de phonèmes selon leur mode articulatoire

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4.10 Prosodie du français

Nous avons examiné jusqu'à maintenant les propriétés segmentales (qui se rapportent aux segments, aux phonèmes) du français. Nous avons vu par exemple qu'il est possible que certains phonèmes aient deux (les voyelles d'aperture moyenne) ou plusieurs (le cas des /r/ en français québécois) variantes contextuelles ou libres. Cependant, les langues présentent également une série de propriétés phonologiques qui sont attribuables à des suites de sons plus grandes que les segments isolés (la syllabe, ou les mots). Ces propriétés sont appelées "prosodiques" ou "suprasegmentales". La présente section présente brièvement ces propriétés et les illustre avec le français.

Accentuation

L’accentuation dans une langue est définie comme étant la « (...) mise en valeur (d’)une ou (de) plusieurs syllabe à l’intérieur d’un mot ou d’un groupe de mots en les prononçant avec une caractéristique phonique qui les distingue des autres mots. » (Dictionnaire de linguistique, Paris, Librairie Larousse)

Cette évaluation de la "prépondérance" d’une syllabe est évidemment basée sur une évaluation par un locuteur sur une échelle relative qui repose essentiellement sur une perception auditive.


Ex. en anglais:
battle
dictionary
contemporary
introDUCtion

Ex. en français:
bateau
un beau bateau
un beau bateau bleu
un beau bateau bleu vogue sur l’eau.

Nature phonétique de l’accentuation

En général, c’est une combinaison des trois indices acoustiques suivants qui produit l’impression accentuée d’une syllabe:

a) durée (mesurée en sec)
b) intensité (mesurée en dB)
c) la variation mélodique (mesurée en Hz)

La fonction première de l'accent en français en est une démarcative. Cela veut dire qu'il est utilisé pour démarquer des éléments dans la phrase, soit la plupart du temps des unités de sens ou des groupes syntaxiques, comme à la fin du groupe nominal sujet (-teau, bleu, rouge) dans les exemples ci-dessous)::

Le bateau vogue sur la mer.
Le petit bateau vogue sur la mer.
Le petit bateau bleu vogue sur la mer calme.
Le petit bateau bleu blanc et rouge vogue sur la mer calme.
Le petit bateau de bleu blanc et rouge de ma soeur Bernadette vogue sur la mer calme.


Cet accent peut occasionnellement aider à lever les ambiguïtés de type syntaxiques (liées à la structure de la phrase):

Ex.:

a) Le juge a dit: « L’avocat est incompétent. »
(le juge déclare que l’avocat est incompétent)
b) « Le juge, » a dit l’avocat, « est incompétent. »
(l’avocat déclare que le juge est incompétent)

La deuxième fonction de l'accent en français en est une d'insistance. Dans cette fonction, il sert à mettre en relief une unité de l’énoncé dans le but d’attirer l’attention du locuteur sur une partie particulière du message.

Ex.:

a) Mettez vos livres sous votre chaise. (oppos. à "sur")
b) Mettez vos livres sous votre chaise. (oppos. à "sa")
c) Mettez vos livres sous votre chaise. (oppos. à "bottes")
d) Mettez vos livres sous votre chaise. (oppos. à "ses")
e) Mettez vos livres sous votre chaise. (oppos. à "bureau")

Il est donc possible de mettre l'accent d'insistance sur à peu près n’importe laquelle des syllabes de l’énoncé.

La troisième fonction de l'accent en français en est une: distinctive de la place de l’accentuation

En cela, le français diffère du français fondamentalement par le fait qu’en anglais, l’accent lexical a une fonction distinctive qui nous permet d’opposer deux mots par la présence d’un accent sur une syllabe différente. Par exemple, les mots suivants s’opposent par la place de l’accent, opposition qui est impossible à faire en français (syllabes accentuées en caractères gras):

Anglais:

subject(n) ~ subject(v) / objet(n) ~ object(v) / record(n) ~ record(v)

Français:

bateau = bateau
léphone = téphone = téléphone

En anglais, il est même possible de faire une distinction entre certains mots composés:

En français, la situation est-elle semblable dans les mots suivants?

L'intonation

L’intonation est généralement définie comme des « variations de hauteur du ton laryngien qui ne portent pas sur une syllabe, mais sur une suite plus longue (mot, suite de mots) et forment la courbe mélodique de la phrase. » (Dictionnaire de linguistique, Larousse)

Elle se manifeste par une montée de la voix qui est causée par une augmentation de la vitesse de vibrations des cordes vocales. Les voix de femmes sont généralement un octave supérieur à celles des hommes.

L'intonation a comme rôle linguistique d'ajouter ou de compléter le sens des mots. En particulier, les variations d’intonation sont utilisées pour indiquer les frontières d’unités ou de groupes de sens (fonction de démarcation).

Dans certains cas, l'intonation permet aussi d'opposer certaines phrases en donnant un sens totalement différent (différent) à l’énoncé (fonction de modalisation):

Il neige. (question)
Il neige. (déclaration)

Également, l'intonation permet de nuancer le sens de l’énoncé; par exemple, lorsqu’on ordonne les syntagmes selon leur ordre d’importance dans l’énoncé (fonction de hiérarchisation):

Le médecin {forte montée} n’est jamais là {légère montée} quand on l’appelle. {descente}

Le professeur du cours {forte montée} a démontré {légère montée} qu’il est facile {forte montée} d’apprendre la linguistique. {descente}

Le rythme

Le rythme linguistique

"...retour régulier (...) d'impressions auditives analogues créées par divers éléments prosodiques." (dict. de linguistique, Larousse)

Prenons deux comptines très connues en français et en anglais pour opposer les tendances rythmiques des deux langues: .


Lorsqu'on chante ces deux chansons, ce qui domine est en français la régularité à produire des syllabes de durée égale (sauf la syllabe finale de groupe) et, en anglais, la tendance à produire des syllabes accentuées (en gras) à des intervalles réguliers. Nous distinguerons le français et l'anglais selon cette distinction primordiale en deux groupes: les langues à chronométrage accentuel ou syllabique.

Anglais: tendance au chronométrage accentuel:
"THIS is the HOUSE that JACK BUILT."

Français : tendance au chronométrage syllabique:
"MaRIE a toujours préféRÉ les Campagnes."


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4.11 Quelques définitions

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4.12 À retenir de la section phonologie

  1. Le but de la phonologie est de définir les phonèmes d'une langue, leurs variantes et leurs combinaisons.
  2. La phonologie diffère de la phonétique car elle s’intéresse à l’aspect psychologique des sons, C’est-à-dire aux sons qui créent des différences de sens.
  3. Les langues ont toutes un ensemble réduit de phonèmes (36 pour le français) mais un nombre beaucoup plus grand de sons.
  4. Les semi-consonnes du français sont appelées comme cela à cause de leurs propriétés phonologiques (distributionnelles) plus proches des consonnes que des voyelles et de leur ressemblance avec les voyelles à l’oral.
  5. Les phonèmes d’une langue peuvent avoir une ou plusieurs manifestations (sons) déterminées soit par le contexte (variantes contextuelles en distribution complémentaire), soit par les caractéristiques sociolinguistiques des locuteurs (variantes libres).
  6. Le français a plusieurs types de variantes contextuelles en distribution complémentaire :
    1. Les voyelles d’aperture moyenne (Loi de position) en FM et en FS
    2. L’affrication des occlusives dentales devant les voyelles fermées antérieures en FQ
    3. Les voyelles fermées /i, y, u/ qui se sont ouverte en syllabe fermée en FQ
  7. Le français québécois a plusieurs types de variantes libres :
    1. Les variantes de /R/ ([r, R])
    2. Les voyelles diphtonguées
  8. Les langues diffèrent quant à leurs caractéristiques phonotactiques :
    1. Les structures syllabiques préférées du français sont CV alors que l’anglais préfère les structures CVC
    2. Chaque langue permet certaines combinaisons de phonèmes; par exemple :
      1. L’anglais et le français permettent les suites C1+C2+C3+V en position initiale, mais seulement si C1 est un /s/, C2 est une occlusive et C3 une latérale /l/ ou vibrante /R/ (/stRyktyR/)
      2. La suite /p+s/ en position initiale de mot n’est pas permise en anglais mais elle l’est en français (psychologie)

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4.13 Exercices supplémentaires

a) Exercices supplémentaires

 

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© Christian Guilbault, Université Simon Fraser
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