Dès 1878, un chinois nommé Sam Ching est venu s’installer à Toronto pour ouvrir une teinturerie au numéro 9 de l’Adelaïde East Street. En 1881 il n’y avait que dix résidents chinois et quatre teintureries chinoises dans la ville. Ils étaient venus des Etats-Unis probablement à cause de la crise économique du milieu des années 1870. Après l’achèvement du Chemin de Fer du Pacifique Canadien, une vague constante d’immigrants chinois est arrivée à Toronto de Vancouver par le train. Dès 1900, la ville comptait deux cents résidents chinois et quatre-vingt-quinze commerces chinois éparpillés à travers toute la ville, même si une poignée de teintureries et boutiques se concentraient sur les rues Church, Yonge et Queen.
Deux pôles de commerces chinois émergèrent en 1910. Il y eut l’Association Chinoise pour la Réforme de l’Empire (Chinese Empire Reform Association, CERA), laquelle tenta de sauver l’Empereur Guangxu de l’arrestation de l’Impératrice Dowager. Cette association fut établie sur la Queen East Street près de la George Street. (Plan 1). Les commerçants chinois qui soutenaient l’Association établirent leur commerce près de celle-ci. Le second pôle de commerce fut la Société Chee Kung Tung, laquelle soutenait le Dr Sun Yat-Sen dans son soulèvement contre le gouvernement Mandchou. Elle fut établie sur la York Street entre la Queen West Street et la Richmond West Street. Les commerçants et membres révolutionnaires établirent leur commerce ou logement près de la Société.
Après la chute du gouvernement Mandchou, la CERA s’éteignit, et les commerces chinois avoisinant l’association quittèrent les lieux, ainsi s’éteignit le Chinatown alors florissant de la Queen East Street. De l’autre côté, le Chinatown en expansion de la York Street s’élargissait avec le départ de la Communauté juive et l’arrivée de la population chinoise. A partir de 1911, Toronto comptait une communauté de mille résidents chinois. Les commerces et résidents chinois de la York Street s’étaient progressivement répandus de la Queen East Street vers la Dundas Street West. En novembre 1919, une foule d’environ quatre cents personnes saccagea les boutiques chinoises de l’Elizabeth Street, endommageant les vitrines.
A partir des années 1920, Chinatown était fermement établi sur l’Elizabeth Street et la Chestnut Street entre la Queen Street West et la Dundas Street West. Sur ces deux rues s’était installée une grande variété de petits commerces, plusieurs associations de clans et de comtés, d’églises chinoises, d’écoles, de théâtres et de salles d’opéra. En 1941, le Chinatown de Toronto, avec une population chinoise de 2326 habitants devint le troisième Chinatown du Canada après celui de Vancouver (7174) et celui de Victoria (3037). Il a maintenu cette position jusqu’aux années 1950. (Plan 2)
Entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, presque deux-tiers de Chinatown furent anéantis pour laisser place au Square Nathan Philips et aux nouveaux bâtiments de la Mairie. Ce qui restait du Chinatown dès lors connut une lente strangulation causée par l’appréciation du coût foncier. En 1965, de nombreuses propriétés de Chinatown avaient déjà été vendues à des développeurs immobiliers, et un grand nombre de commerces et résidents chinois avait déménagé plus à l’ouest le long de la Dundas Street West au-delà de l’University Avenue. Durant les années 1960, tout ce qui restait du Vieux Chinatown rétrécissant ne représentait plus qu’une surface d’environ 10 acres (4 hectares) le long de la Dundas Street West entre Bay Street et Centre Street (Plan 3), la plupart de ses résidents chinois ayant déménagé vers d’autres quartiers du centre-ville de Toronto.
Au printemps 1967, Walter Manthorpe, le Commissaire du développement de la Ville, proposa que le conseil municipal délocalise Chinatown pour laisser place à une expansion septentrionale de la Place Civique. Alors que la proposition était encore en cours d’étude, des spéculateurs fonciers rassemblèrent immédiatement le maximum de terrain possible dans le Vieux Chinatown, générant ainsi une spéculation foncière allant de $12 à $30 le pied carré. En février 1969, l’échevin Horace Brown considérait que la désignation du quartier des rues Elizabeth-Dundas Streets en tant que Chinatown de Toronto engendrerait le développement d’un ghetto. Une autre proposition du conseil métropolitain de 1970 proposait l’élargissement de la Dundas Street et la délocalisation de tous les commerces chinois des rues Dundas, Elizabeth et Chestnut. Toutes ces menaces firent appel à la vigilance de quelques leaders de la communauté telle que Mme Jean Lumb, laquelle forma le Comité de Sauvegarde de Chinatown en mars 1969 dans un effort désespéré de sauver le Vieux Chinatown de l’anéantissement. Enfin, le Comité réussit à faire adopter au Conseil le principe de sauvegarder Chinatown sur ses emplacements actuels. En mai 1970, Chinatown comptait encore 75 établissements commerciaux, dont 17 restaurants, 14 épiceries, 4 boulangeries et d’autres commerces et services. Même si Chinatown fut sauvegardé, sa taille fut encore davantage réduite par de grands redéveloppements immobiliers tel que le complexe commercial du Holiday Inn and Meridian Group. En 1984, le Vieux Chinatown comptait moins de 10 restaurants et 4 immeubles d’associations; l’Eglise Unifiée chinoise sur la Chestnut Street et la Ligue Nationale Chinoise sur la Hagerman Street représentaient les seuls derniers vestiges du Vieux Chinatown. En 1999, ces rares restaurants et associations étaient toujours présents dans le Vieux Chinatown. Alors que la clientèle chinoise continuait de baisser, les différents commerces chinois fermèrent les uns après les autres. Le Vieux Chinatown disparut ainsi complètement vers la fin des années 2010.
Le Chinatown de l’ouest est connu en chinois comme «Zhongqu Huapu» (Port Chinois du Quartier Central). Avant la Seconde Guerre Mondiale, le quartier, délimité par les rues Spadina, College, McCault et Queen, était un quartier résidentiel peu peuplé, composé de maisons en bois à deux ou trois étages construites à la fin du dix-neuvième siècle. En 1951, la communauté juive était la plus importante dans le quartier, et les ménages chinois ne représentaient que 20% de la population. A la fin des années 1950, la communauté juive commença à se relocaliser vers de nouveaux quartiers résidentiels dans les banlieues nord-ouest de la ville, et un grand nombre de maisons côté Sud-est sur Spadina furent disponibles à la vente ou à la location. Alors que de nombreux immeubles sur les rues Chestnut et Elizabeth furent l’objet d’acquisition pour des projets de ré-développement, de nombreux commerces, résidants et institutions chinois commencèrent à déménager vers le côté Sud-est de Spadina. En 1962, le Canada décréta le financement de 100 familles de réfugiés qui avaient fuit la Chine communiste jusqu’à Hong Kong, pour qu’ils viennent s’installer au Canada. La politique universelle d’immigration de 1967 encouragea l’immigration des chinois de Hong Kong, Taiwan et de pays d’Asie du Sud-est tels que le Vietnam et la Malaisie. Jusqu’en 1971, près de la moitié des 8000 résidents du quartier Sud-est de Spadina était d’origine chinoise. (Plan. 3) Les associations chinoises, les épiceries, les restaurants, et autres commerces de détails occupèrent les deux côtés de la Dundas Street West entre la McCault Street et la Spadina Avenue. De petites associations, des maisons de logements, des cafés, restaurants et autres petits commerces de détails s’installèrent sur Huron, Beverly, Darcy et d’autres rues donnant sur la Dundas Street West. De plus grands restaurants, établissements de service et de vente au détails, d’associations chinoises s’étalèrent sur la Spadina Avenue à l’intersection de la Dundas Street West. Ce nouveau Chinatown en croissance et en expansion, connu sous le nom de Chinatown de l’ouest, devint ainsi un grand quartier chinois commercial, résidentiel et institutionnel, remplaçant le Vieux Chinatown.
En 1970, le Conseil de l’Urbanisme recommanda à la municipalité que les bâtiments résidentiels de faible densité et les bâtiments commerciaux de Chinatown soient remplacés par des projets de développements immobiliers de résidences à haute densité, de bâtiments commerciaux et institutionnels. L’Association des Chinois Canadiens et l’Action Unifiée des Chinois Canadiens s’opposèrent fortement à cette recommandation car elle apporterait des modifications aux caractéristiques physiques du quartier. Enfin, en 1973, le Conseil de l’Urbanisme émit la recommandation que la majeur partie du Sud-est de Spadina maintienne ses bâtiments résidentiels commerciaux à basse densité démographique, et que seules les zones sud et est soient transformées en quartier résidentiel à usage mixte et haute densité démographique. En 1979, le Chinatown de l’ouest fut désigné comme quartier à Identité Spéciale, où le développement urbain devait être compatible avec la forme et le caractère des motifs et détails architecturaux chinois particuliers. Le commerce intensif de détail et les entrées de services telle que l’entrée divisée entre les espaces commerciaux au-dessus et en-dessous du niveau de la chaussée furent autorisés dans le quartier. La Ville de Toronto mis à nouveau en service les Tramways sur la Spadina Avenue et érigea deux portes en forme d’arches sur l’avenue.
En 2007, la Zone d’Amélioration Commerciale du Chinatown de Toronto fut établie. (Plan 4) En 2012, la Zone comprenait 403 membres d’une grande variété de commerces, tels que les détaillants et grossistes, restaurants et alimentations, salons de beauté et de coiffure, cabinets médicaux, pharmacies et épiceries (Tableau 1)
Le Chinatown de l’est est connu en chinois sous le nom de «Dongqu Huabu» (Port Chinois du Quartier Est). Pendant les années 1970, de nombreux immigrés chinois à faible revenu avaient des difficultés à obtenir des logements abordables dans le Chinatown de l’ouest. Ils se sont mis dès lors à la recherche de lieux qui n’étaient pas trop éloignés de Chinatown dont le loyer était plus bas. Riverdale, à environ 3 kilomètres (2 miles) à l’est de Chinatown, fut choisi car les propriétés y étaient quelque milliers de dollars moins chers qu’à Chinatown et les loyers nettement plus bas. De nombreux propriétaires d’immobiliers chinois du Chinatown de l’ouest ont alors vendu leurs maisons à des prix plus élevés et ont déménagé vers Riverdale pour acheter des maisons à plus bas prix. De plus, Riverdale, dominée par une population anglo-saxonne de travailleurs, possède de grands parcs, des bibliothèques municipales et autres infrastructures et services attractifs, sans compter la facilité d’accès par tramway et bus de Chinatown. Par conséquent, des étudiants chinois, de jeunes couples et travailleurs dans la restauration commencèrent à y emménager.
En juillet 1972, Charles Cheung ouvra la Boucherie Charlie (Hung Kee Store) au 383A Broadview Avenue, probablement le premier commerce chinois dans le quartier. Plus tard dans la même année, la boutique Hsu au numéro 597, et le Marché Hai Fung de viandes et poissons au numéro 339 de Gerrard Street ouvrirent leur porte. Le Restaurant Ko Sing ouvra au numéro 341 Broadview Avenue et attira une grande clientèle chinoise vers le quartier. Un Chinatown de l’est à l’état embryonnaire commença alors à émerger ainsi au carrefour entre de la Broadview Avenue de la Gerrard Street (Plan 5). Il comprend un grand marché chinois fondé par de nombreux vietnamiens et des chinois venus de la Chine continentale. Contrairement au Chinatown de l’ouest, il y a plus de places de parking disponibles dans la rue, et le quartier est très bien desservi par le système de transport public de Toronto. Par conséquent, il attire même la clientèle chinoise du Chinatown de l’ouest. A la fin des années 1970, d’autres boutiques chinoises s’installèrent le long de la Broadview Avenue vers le sud jusqu’à la Dundas Street East et le long de la Gerrard Street East vers l’est jusqu’à la Howland Road, sous l’influence de la Broadview Avenue et de la Gerrard Street. En dehors de Chinatown, quelques commerces chinois, y compris un théâtre chinois, s’établirent sur la Queen Street East. Dans la partie sud du Riverdale Park, environ 320 mètres (350 yards) au nord de Chinatown, une statue en bronze du Dr. Sun Yat-Sen, père fondateur de la République de Chine, fut érigé.
En 2000, Dale Cheung, un artiste de renommée, conçut une arche chinoise dont l’ingénierie structurelle fut élaborée par Yip She Fun. Après avoir été élu président de la Chambre de Commerce Chinoise (de Toronto Est) en 2002, Dale Cheung établit immédiatement une « Zhong Hua Men » le Comité d’Organisation de l’Arche (ARC). Il présida l’ARC et poussa pour la mise en application du projet de l’Arche. La Cérémonie de la première pelletée de terre de l’arche eu lieu le 25 octobre 2008 à l’embranchement sud-ouest de la Broadview Avenue et de la Gerrard Street East. En 2012, les commerces chinois étaient concentrés à l’intérieur d’un carré délimité à l’ouest par la Broadway Avenue, à l’est par la Logon Avenue, au sud par l’East Dundas Street et au nord par la Simpson Avenue.
Pendant les années 1960, le quartier commercial de Glen Watford, comprenant la Glen Watford Plazza et l’Agincourt Plazza, fut établi au service de la petite communauté d’Agincourt à Scarborough, mais ne sut attirer un réel succès commercial (Plan 5). La Glen Watford Drive, une rue résidentielle partant de la Sheppard Avenue East, était l’artère principale d’accès aux quartiers résidentiels et commerciaux d’Agincourt.
En 1977, un développeur chinois acquit un terrain immobilier sur la Sheppard Avenue Est et y développa la Torchin Plazza. Les restaurants New World Oriental Cuisine et L’Original Mandarin Restaurant s’y sont établis. Deux ans plus tard, Le Ching Kee Market et le Restaurant East Court furent les premiers commerces chinois établis sur la Glen Watford Plazza. En 1984, de nombreux autres restaurants chinois, épiceries, supermarchés, salons de coiffure, agents immobiliers, agences de voyages, boulangeries, docteurs, dentistes, et même un acupuncteur se sont établis à la Glen Watford Plazza ou l’Agincourt Plazza. Ces deux centres commerciaux, ainsi que la Torchin Plazza, furent référés comme le Chinatown de Scarborough par la clientèle chinoise. Des investissements chinois portèrent ainsi les fruits de la prospérité de ces deux centres commerciaux sur la Glen Watford Drive à deux voies circulables. La rue devint alors trop étroite et fut souvent le lieu de congestion d’une circulation trop intense alors que les deux centres commerciaux ne possédaient pas assez de places de parking pour le nombre grandissant de commerces et clients chinois. Certains riverains de longue date, issus de la communauté blanche, commencèrent alors à accuser les commerces chinois de perturber la communauté jadis paisible d’Agincourt, menaçant « le bien-être de ses résidents ». En 1984, un entrepreneur chinois acquit une ancienne patinoire au sud de la Plazza Glen Watford et la convertit en centre commercial connu sous le nom de Dragon Centre. Cela représentait des restaurants de 350 couverts et plus de 20 boutiques chinoises. Peu après son ouverture en avril, il attira de nombreux clients chinois venant non seulement de Scarborough et Markha, mais aussi de North York et de la Ville de Toronto. Les commerçants blancs de l’Agincourt Plazza et de Glen Watford Plazza furent furieux de voir que leur clientèle blanche ne parvenait plus à y effectuer leurs achats car les places de parking étaient toutes occupées par la clientèle chinoise venue rendre visite aux restaurants et boutiques chinois. Les résidents blancs étaient perturbés par la circulation intensifiée sur la Sheppard Avenue, particulièrement les week-ends, engendrant des files sur la Glen Watford Drive, et bouchant les rues latérales. En août 1984, des résidents blancs distribuèrent des pamphlets haineux contre la communauté chinoise. Cela incita à la création de la Fédération des Canadiens chinois de Scarborough pour faire face aux problèmes concernant la communauté chinoise locale.
Au cours des années 1980, d’autres commerces chinois apparurent dans un autre groupe de centres commerciaux tels que le Mandarin Plazza, le Pearl Plazza et le Pun Chun Plazza près de l’intersection entre la Sheppard Avenue East et de la Brimley Road.
Un autre groupe de centres commerc i aux chinois tels que le Village Mall, Finch-Midland Centre et Milliken Shopping Centre émergèrent près du carrefour des avenues Finch et Midland. Le terme de «Chinatown de Scarborough» fut progressivement délaissé par les clients chinois alors que de si nombreux centres commerciaux chinois étaient apparus dans sa proximité immédiate. Les consommateurs chinois ont alors eu tendance à utiliser le nom du centre commercial, ou le nom d’un restaurant ou d’un supermarché chinois situé à l’intérieur d’un centre commercial pour se référer à un lieu de retrouvailles sociales.
Le Centre fut fondé par un groupe d’investisseurs de Hong Kong en 1986 et fut établi au numéro 888 Dundas Street à Mississauga. Il comprenait 70 unités de fonds de commerce à louer. Même si nombreux sont ceux qui le considèrent comme le Chinatown de Mississauga, ce n’est pas vraiment un Chinatown mais un centre commercial privé.
Ce livret est un compagnon de l'ouvrage “Un Résumé Chronologique de L’histoire des Chinois Canadiens: De la ségrégation à l’intégration qui donne un aperçu national." Ces livrets proposent un compte-rendu plus détaillé des Chinatowns particuliers qui font partie intégrante de l'histoire du Canada.